Cambodia

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women sellers in Phnom Penh

Phnom Penh, Cambodia, December 1994. Ready to run, watching a police raid by the international press hangout on the Maekhong River. La police donne la chasse aux vendeurs ambulants sur les bords du Mékong.

Shouts in the air, we turn around, a young woman and her mother, same shirt, same sarong, same hairdress, have put down their baskets full of big grapefuits and anxiously look towards the Maekhong bridge. They will barely have the time to flee before the sweep by policemen who have an easier time capturing street sellers than the twenty-five Cambodian “banks” which launder huge amounts of drug money. In the background, the terrace of the Foreign Correspondents’ Club…

Des cris se font entendre, nous nous retournons, une jeune fille et sa mère, même chemisier blanc, même sarong, même coiffure, ont posé leurs paniers remplis d’anones et de gros pamplemousses et regardent anxieusement au loin. Elles ont juste le temps de déguerpir avant la rafle de policiers qui ont plus facile et intérêt à capturer de petites marchandes que les vingt-cinq “banques” cambodgiennes blanchissant l’argent des stupéfiants. Au loin se profile la terrasse du Foreign Correspondents’ Club of Cambodia…

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girl at Angkor Wat

Roluos, Cambodia, December 1994. You can read poverty and political conflict on the face of this Khmer girl in the North-West of the country. La pauvreté et le conflit se reflètent sur le visage de cette enfant khmère habitant le nord-ouest.

Laughing, smiling, serious, thoughtful, all the expressions can be found on the young villagers, in the north-west of the country. A woman fries on the ground a banana, offers us some, people gather. We meet a member of Médecins sans frontières who warns us against malaria which she got already thrice — Cambodia is number one on the list.

“Because malaria is above all a disease of poor people living in poor countries — and which keeps them poor by undermining the energy and resources both of the people and the countries — the Western pharmaceutical companies do not see commercial incentives to embark in the costly process of developing and promoting products for which they perceive but little income.” “Malaria: It’s Back”, Time, May 31, 1993, p.50.

Rieur, souriant, sérieux, songeur, curieux, toutes les expressions se retrouvent sur les jeunes villageois, dans le nord-ouest du pays. Une femme frit même le sol des bananes dures, nous en offre, cause un attroupement. Nous tombons sur une membre de Médecins sans frontières qui nous met en garde contre la malaria qu’elle a déjà attrapé trois fois — le Cambodge est en tête de liste.

“Du fait que la malaria est avant tout une maladie de pauvres gens vivant dans des pays pauvres — et qui les maintient pauvres en sapant l’énergie et les ressources des individus comme des pays — les compagnies pharmaceutiques occidentales ne voient pas de stimulants commerciaux pour s’embarquer dans le processus coûteux de développer et promouvoir des produits pour lesquels elles n’aperçoivent que peu de rentrées.” “Malaria: It’s Back”, Time, 31 mai 1993, p.50.

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cambodia-street-sellers

Phnom Penh, Cambodia, December 1994. Rest for these girls selling large dried shrimps on the promenade where the Mekong and Tonle Sap rivers meet. Pause pour ces fillettes qui vendent de grosses crevettes séchées sur la promenade à la confluence des fleuves Mékong et Tonlé Sap.

The U.N. allocated four billion dollars for the 1993 Cambodian elections. Dried seafood can be readily found throughout South-East Asia. The average per capita income is 131 dollars per year, 2,000 in neighboring Thailand, 24,732 in the United States. The Cambodian Congress voted itself a 1,775 dollar monthly salary. Spread out on a dirt road, such as in Phnom Krom, a village on the Tonle Sap lake, or sold on skewers, like in Thai trains, the smell characteristic of the fry fish invades the whole atmosphere. Just one Thai bank “recycles every week 700,000 dollars” from the sale of drugs (Monde Diplomatique, February 1995). What is going on in the head of these girls ? What is going on in our head ?

L’ONU a consacré quatre milliards de dollars aux élections cambodgiennes de 1993. On rencontre souvent des produit de la mer séchés dans toute l’Asie du Sud-Est. Le revenu moyen par habitant est de 131 dollars par an, 2.000 dans la Thaïlande voisine, 24.732 aux Etats-Unis. Les députés cambodgiens se sont voté un salaire de 1.775 dollars par mois. Qu’ils soient étalés sur une route de terre, comme Phnom Krom, village au bord du lac Tonlé Sap, ou vendus en brochettes, comme dans les trains thaïlandais, l’odeur qui accompagne les petits poissons séchés envahit tout l’espace. Une banque thaïlandaise, notamment, “recycle chaque semaine 700.000 dollars” du produit de la vente de stupéfiants (Monde Diplomatique, février 1995). Que se passe-t-il dans la tête de ces fillettes? Que se passe-t-il dans notre tête?

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apsaras at Angkor Wat sunset

Angkor Wat, Cambodia, December 1994.  Apsaras in the world’s most beautiful temple. Soleil couchant sur les Apsaras du plus beau temple au monde, ces nymphes qui jouaient pour l’édification des dieux.

Ashrama girls with pitchers watering the plants./Prettier than I would have expected./What an extraordinarily beautiful girl!/Palaces vines don’t hold a candle to forest creepers./I may as well look on. King Dushyanta in Shakuntala, a Sanskrit play by Kalidasa.

“Toutes les Apsaras rayonnent de jeunesse, fraîcheur, noblesse, satisfaction intérieure. Tu crois qu’elles vont te parler avec tendresse. Qu’elles te prient de rester un peu près d’elles. Qu’elles sont prêtes à danser pour toi. Elles te donnent avec leur expression toutes sortes de promesses. Elles te laisser imaginer une approche romantique, une agréable et cordiale compréhension. (…) Dans quelques jours j’allais me retrouver si loin, à un autre bout de la terre. Là, dans les temples, entre les pâles cierges, tu ne vois que des Vierges affligées et des saints barbus à la sévère physionomie ascétique. Là, la religion s’adresse l’âme et au coeur avec des leçons de modestie, amour, bonté, et non pas aux yeux et aux sens avec de belles apsaras souriantes. Je me suis assis sur un muret regardant distraitement autour de moi. (…) Alors qu’avec le crépuscule commençait à s’éteindre tout doucement la superbe fantasmagorie, je sentais davantage la dépression qu’entraîne tout qui se termine, tout qui se perd jamais. (…) J’approchais les murs avec les belles Apsaras. Je voulais les voir encore une fois. Les remercier de leur compagnie de tous ces jours. Leur dire adieu à jamais. Habituées tant d’adieux elles restaient toutes sereines, indifférentes, toujours avec leur sourire, leurs ornements majestueux, les fleurs de lotus dans leurs délicates mains.” Angkor, une civilisation exotique, I. Vassiliou, 1969.

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monk in Angkor Wat

Angkor Wat, Cambodia, December 1994. A bridge with 54 gods facing 54 demons leads to Angkor Thom. 54 dieux font face aux 54 démons sur le pont menant à Angkor Thom.

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fishing trade near Angkor Wat

Siam Reap, Cambodia, December 1994. Brisk fish market on Tonle Sap lake. During monsoon, the Mekong River reverses into the Tonle Sap river and the homonymous lake which increases fourfold — the largest in South-East Asia. Important commerce de poisson sur le lac Tonle Sap. Pendant la mousson, le fleuve Mékong inverse son cours et celui du Tonle Sap, quadruplant la superficie du lac du même nom — le plus grand d’Asie du Sud-Est.

As destitute as Cambodia, Haiti is invariably presented as the poorest country of the Western Hemisphere. Kari Polanyi-Levitt, professor of economics at McGill university in Montreal, under contract by the World Bank to review Haiti’s general accounting in the aftermath of the fleeing of dictator Jean-Claude Duvalier, had found that the agricultural production and the gross national product were largely underestimated, i.e. the country was not as poor as it seemed. “We wondered if the financing agencies did not have an institutional interest in the poverty of the poorest countries, including Haiti. Why? In short, because this enhances the role of the foreign aid agencies in the internal politics of the the donor countries — and their persuasive force in the making of the economic life of the beneficiary countries”.

Aussi démuni que le Cambodge, Haïti est invariablement présenté comme le pays le plus pauvre de l’hémisphère occidental. Kari Polanyi-Levitt, professeur d’économie à l’université McGill de Montréal, contracté par la Banque Mondiale pour revoir la comptabilité du revenu national d’Haïti au lendemain de la fuite du dictateur Jean-Claude Duvalier, avait découvert que la production agricole et que le produit national brut étaient largement sous-estimés, soit que le pays n’était pas si pauvre qu’on le disait. “Nous nous sommes demandés si les agences de financement n’avaient pas un intérêt institutionnel dans la pauvreté des pays très pauvres, y compris Haïti. Pourquoi? En bref, parce que ceci rehausse le rôle des agences d’aide extérieure dans la politique interne des pays bailleurs de fonds — et leur force de persuasion dans la formation de la vie économique des pays receveurs de l’aide”.